Audience 1

Printemps 2014

M. Robert est poursuivi avec sa compagne (qui sera tout le long du procès mise en second plan, l’attention étant d’avantage portée sur son mari) pour avoir tenté de voler une boite à outils, une perceuse et des cadenas dans un magasin de bricolage. Son casier fait état de nombreuses mentions, la plupart pour des vols, que la juge énumère en marmonnant. Sa dernière condamnation remonte à 2003, il s’était alors pris un an ferme.

D’emblée la juge lui demande : « alors, M. Robert, d’ailleurs est-ce que c’est bien comme ça qu’on prononce votre nom ? S’agit-il d’une rechute ou est-ce que c’est que vous ne vous êtes pas fait prendre depuis la dernière fois ? »

La juge raconte l’affaire : ce matin là, M. Robert entre avec sa compagne dans un magasin puis celle-ci ressort. Elle remarque que les employés du magasin surveillent de près son mari et lui envoie un texto lui disant qu’il s’en aille car il est repéré. M. Robert panique et cache une perceuse qu’il avait dans la main dans le faux plafond. Il dira qu’il l’avait mise là en voulant aller aux toilettes.

Après avoir rappelé qu’il arrivait, le matin des faits, de l’autre bout de la France avec une voiture dont les plaques d’immatriculation avaient été modifiées, la juge suggère : « vous êtes venus ici pour commettre ces vols en vous disant que ce serait plus simple ici, moins surveillé, et donc vous avez modifié vos plaques d’immatriculation pour vous dissimuler ».

Il explique qu’il est venu avec sa compagne pour aller au Futuroscope mais qu’ils étaient arrivés à Poitiers en avance et qu’il avait donc voulu se rendre dans un magasin de bricolage afin de faire des achats qu’il n’avait pas eu le temps de faire avant de partir. La juge demande :

« Quel type d’achat aviez-vous à faire dans un magasin de bricolage ?

– Je voulais acheter de quoi protéger mon garage car j’avais été cambriolé quelques jours avant.

– Vous aviez besoin de vous protéger contre le vol ?! C’est drôle dans votre situation. Comme quoi, même les voleurs ont besoin de se protéger contre le vol ! »

Tandis qu’il continue à s’expliquer, la juge le regarde de haut, les mains croisée, en lâchant quelques « hum, hum », son avocate tapote sur son téléphone portable. L’intérêt pour l’histoire de M. Robert est à son comble ! La juge et le procureur, complices, se regardent en secouant la tête de gauche à droite pour bien signifier à M. Robert qu’ils ne croient pas un mot de son histoire. « Il y a dans votre histoire, Monsieur, ce que vous nous racontez et ce qu’on imagine » finit-elle par lâcher avant de narrer l’histoire de cet homme telle qu’elle la voit elle.

Lorsque la juge lui rappelle ses aveux de fin de garde à vue au cours de laquelle il aurait tout reconnu, il explique que c’était la fin, qu’il était fatigué et qu’il voulait en finir. L’avocate échange un regard complice avec la juge puis hausse les yeux : « je dirai ce que j’ai à dire là-dessus après Madame le juge».

La juge finit par hausser un petit peu le ton : « M. Robert, c’est quoi votre problème exactement ?! ». L’avocate se retourne en soupirant.

Mme Robert est traitée de la même manière alors qu’elle tente d’expliquer sa situation : 6 enfants à charge, beaucoup de fatigue, juste l’envie de faire une pause le temps d’un week-end … Et si elle reconnaît les faits à la fin de la garde à vue c’est parce qu’« [elle] a passé une nuit d’enfer, et oui [elle] voulait sortir ».Et la juge de répondre :
« Oui le truc des 48h je sais c’est horrible et tout mais quand même vous avez reconnue les faits. Alors vous l’avez dit ou pas ?
Mais je l’ai dit parce que ça faisait longtemps (en garde à vue)
Bien sur ! »
Et la juge de poursuivre en expliquant que pour elle, qui « part souvent en vacances », si on veut souffler le temps d’un week-end on ne passe pas son temps dans les magasins…

Le procureur commence ses réquisitions en disant qu’il trouve ça insultant que M. Robert fournisse de telles explications. Il présente sa vision des choses – qui correspond exactement à celle présentée par la juge – puis regarde M. Robert : « ça aurait été tellement plus simple de présenter les choses comme ça. On aurait pu l’entendre et le comprendre d’ailleurs ». Concernant sa compagne, il se contentera de dire qu’il regrette son attitude à la barre.

L’avocate plaide la relaxe partielle pour lui et la relaxe pour sa compagne. Elle les regarde « je suis désolé, je vais raconter un petit peu votre vie ». Elle explique que son problème est qu’il commet toujours plein de petits vols pour lesquels il se fait toujours prendre. Que c’est « quelqu’un qui se sent pas toujours très bien dans sa tête, ça il faut le dire ».

L’avocate finit de plaider, puis sans même lever la tête la juge ordonne : « avancez, avancez tous les deux ! ». Elle les condamne tous les deux, lui à 90 jours amende de 10 euros et elle à un mois avec sursis en leur réclamant la promesse qu’ils ne recommenceront plus…

« Vous saurez désormais qu’à Poitiers, c’est plus facile de voler et qu’on se fait moins sévèrement sanctionner mais qu’on se fait prendre ! »

A bon entendeur …